Deux récents arrêts de la cour de Cassation remettent la garantie décennale à l'ordre du jour. L'un confirme que l'assureur d'une entreprise ne peut glisser dans son contrat des clauses qui amoindriraient les garanties imposées par la loi ; l'autre atteste que ce sont les travaux et non les matériaux qui sont soumis à la garantie. Détails.
La garantie décennale ne s'applique qu'à celui qui a réalisé un travail et non au vendeur qui a fourni les matériaux. Voilà en substance la décision rendue par la cour de Cassation (Cass. Civ 3, 4.2.2016, E 13-23.654), qui confirme qu'il est exclu, si le recours contre l'entrepreneur des travaux est impossible, de se rabattre sur son fournisseur.

 

Car la garantie décennale ne couvre pas le vendeur, qui lui est tenu par d'autres obligations pouvant faire l'objet de contestations dans des délais plus réduits que 10 ans. Il s'agit notamment de « l'obligation de délivrance », qui fait que le fournisseur est tenu de vendre et livrer ce qui a été commandé. Dans le cas d'une vente à un professionnel, celui-ci est censé savoir ce dont il a besoin ; en revanche, s'il s'agit d'un client « profane », l'obligation suppose que le vendeur se renseigne précisément pour fournir le produit adéquat. Si le produit est non conforme, le client a alors un délai de cinq ans pour faire jouer la garantie de conformité. Enfin, le vendeur doit garantir les vices cachés qui peuvent être invoqués dans un délai de deux ans au maximum après la découverte du défaut.
Pas de clauses qui iraient à l'encontre de l'intérêt du client
Parallèlement, un autre arrêt (Cass. Civ 3, 4.2.2016, V 14-29.790) précise que le client ne doit pas se voir opposer des clauses de limitation de garantie. Cette décision intervient dans le cas d'un litige lié à la construction d'une piscine rendue inutilisable par la pose défectueuse de son revêtement intérieur. En l'occurrence, l'assureur refusait toute prise en charge, estimant que le contrat spécifiait que seule la solidité de la structure était garantie et non les éléments jugés secondaires.

 

Or, a rappelé la cour de Cassation, si l'ouvrage est rendu impropre à sa destination, la garantie décennale entre en jeu pour protéger le client. Toute clause du contrat écartant la garantie est réputée « non écrite », souligne la cour. Car elle ferait échec aux règles de l'assurance obligatoire en matière de construction. L'assureur ne peut donc pas glisser dans son contrat des clauses qui viendraient amoindrir les garanties imposées par la loi.

 

Pour rappel, la garantie décennale concerne les dommages résultant d'une malfaçon dans la construction, les personnes tenues à garantie sont donc les constructeurs au sens large du terme : entrepreneurs du bâtiment, architectes, promoteurs, vendeurs d'immeubles à construire, le fabricant ou l'importateur d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement (voir encadré ci-dessous).

 

En pratique

 

La garantie décennale impose au constructeur de réparer les dommages qui compromettent :
•- la solidité et ses éléments d'équipements indissociables touchant à la structure même de la construction (par exemple, glissement de terrain, mauvaise tenue de la charpente, fissurations et nids de poule d'un garage), dommages affectant une cheminée extérieure, défaut d'étanchéité lorsqu'il résulte des infiltrations à l'intérieur des appartements, carrelages à refaire… A l'inverse, ne sont pas concernés : éclats de ciment sur les murs, fissures précédemment traitées, microfissures sans gravité… En résumé, il n'est pas nécessaire que l'atteinte à la solidité de l'immeuble conduise à un risque de ruine ou d'effondrement, mais que le désordre témoigne d'une atteinte à la durabilité de l'ouvrage, le rendant plus vulnérable à l'action du temps. Les conséquences purement d'ordre esthétique n'entrent donc pas dans le champ de la garantie décennale.

 

ou qui rendent le logement impropre à sa destination. Quelques exemples : défaut d'isolation phonique ou thermique ; défaut d'étanchéité ; canalisation présentant des risques ; climatisation défectueuse ; condensation importante sur les murs ; chauffage présentant des risque d'explosion ; chauffage créant une nuisance sonore intolérable ; fissure dans le sol entraînant une dénivellation du plancher… et qui surviennent au cours des 10 années qui suivent la réception des travaux.